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Le blog de Tim.

Ce que je pense.

Deleuze, appareil d’État et machines de guerre – 4

Publié le 15 Juin 2014

Je dis quand à la prochaine fois que sur le souhait de plusieurs de ceux qui travaillaient l'année dernière qui voulaient que nous fassions une séance restreinte, non pas du tout dans le but d'exclure qui que ce soit, au contraire, bien au contraire, mais parce qu'on reviendra sur certaines notions qu'on avait développé l'année dernière et comme on les supposera connues, ce sera comme une espèce de séance qui ne peut intéresser, je crois, réellement, qui ne peut être suivie que par ceux qui ont fait le travail l'année dernière. Alors les autres, si ils le veulent bien, je leur donne rendez-vous la semaine d'après. A charge de revanche par contre, à des séances précurseurs qui seront pour ceux... Voilà, je vois pas comment, mais... Bien.

 

Là-dessus, la dernière fois, nous avions un peu avancé, pas beaucoup, sur, dans la voie d'un thème dont nous avions besoin, à savoir la possibilité de concevoir une coexistence dans un champ social, une coexistence et un empiétement de formations sociales très diverses. Et on s'était donné comme hypothèse la possibilité de définir les diverses formations sociales par des processus que l'on appelait par commodité des processus machiniques et l'on avait dégagé la coexistence et l'interpénétration de ces processus. Alors, on avait tenté non plus du tout de parler de sociétés par exemple primitives en tant que formations sociales mais l'on avait dégagé un processus qui, sans doute, apparaissait dans les sociétés dites primitives mais apparaissait aussi ailleurs et où ce processus, on l'appelait d'anticipation-conjuration. On parlait plus exactement de l'appareil d’État non plus comme formation sociale ou société étatique, on parlait d'appareil de capture, un autre processus. On parlait de machines de guerre, on parlait de, etc. Et on avait dessiné ce champ social où alors, lorsque les formations sociales sont rapportées non plus à des modes de production qu'elles seraient supposées, qu'elles seraient censées supposer, mais sont rapportées au processus qu'elles enveloppent, l'idée même d'une coexistence de toutes les formations dans le champ social nous paraissait se vérifier, se fonder. C'est là-dessus que je demande s'il y a des points ou bien si je continue, je crois qu'il y a des points...

 

(voix de femme inaudible) ... (Deleuze) Quoi ? Oui, oui, dit. Oui. (Voix de femme) Sur la ville et l’État. (Deleuze) Ah, sur la ville et l’État. On avait vu en effet, je le rappelle, que dans ces formations sociales nous avions éprouvé le besoin de distinguer la forme ville et la forme État parce que ça nous semblait très important historiquement de comprendre par exemple pourquoi le capitalisme était passé par la forme État alors que la forme ville, à ses débuts, lui avait donné tant de chances et tant d’occurrences. Et l'on avait essayé de distinguer la forme ville et la forme État quelle que soit la concurrence entre les deux, quelle que soit la manière dont la forme État allait plus tard s'emparer de la forme ville. On avait essayé de distinguer là aussi deux processus très différents en définissant la forme ville par la constitution d’instruments de polarisation au sein d'un réseau, toute ville renvoyant à d'autres villes tandis que la forme État nous paraissait renvoyer à des systèmes très, très différents, des systèmes de résonance que l'on avait essayé de distinguer justement des instruments de polarisation. Alors, c'est là dessus que tu voulais ajouter quelque chose.

 

(voix de femme) Oui enfin, il y a quelqu'un qui a fait un travail sur Paris en particulier et, à partir du Xème – XIème siècle, s'est attaché de voir comment Paris a résisté contre l’État et cela jusqu'en 1980. Alors je vais vous lire juste une page où il parle de Paris actuellement : « Les villages de France n'ont pas voulu de gare, il a fallu les construire à 2-3 kilomètres de l'église en pleins champs. Pendant longtemps, il n'y a pas eu de continuité dans le tissu bâti entre le vieux centre et sa gare. Puis, petit à petit, autour de chaque gare, le zéro central a commencé à secréter une coagulation rectiligne d'activités étrangères. Ce hiatus est encore souvent perceptible, c'est là l'histoire du grand nombre de Sainte-Emilie-Centre et Sainte-Emilie-Gare qui parsème la campagne française. Paris a manifesté une réaction du même ordre. La bataille entre la ville et l’État a fait rage pendant cinquante ans et sous d'autres formes, elle a persisté jusqu'à aujourd'hui se concluant et s'annulant dans le nœud ferroviaire métropolitain qui est en cours d'achèvement. » C'est à dire qu'en fait, il explique après que la ville de Paris avait des largeurs pour les rails, enfin l'écartement était à 1 mètre 30 et que le réseau ferré était à 1 mètre 40 et que c'est là-dessus que toute la résistance s'est faite et jusqu'à maintenant. Et lui, il dit que il n'y a que maintenant, c'est à dire maintenant que les réseau des Halles vient de relier le train au métro, que la résistance se termine, c'est à dire que ce qui avait commencé il y a plusieurs siècles mais en gros particulièrement à l'époque de la Révolution française, c'est à dire la lutte entre Paris et l’État vient de se terminer maintenant avec la jonction RER, Halles et métro.

 

(Deleuze) Ouais. En effet, c'est très important et je crois, ils doivent être de l'école de Braudel, je disais, c'est vraiment Braudel qui a, il me semble en tous cas en France, lancé cette étude extrêmement profonde sur les rapports à la fois polémiques de concurrence entre la ville et l’État qui vraiment constitue quelque chose de fondamental dans l'Histoire de l'Europe. Braudel a sûrement raison de dire : en Asie, ça s'est pas passé comme ça parce qu'en Asie, il y a une subordination, dans l'Histoire de l'Asie, il y a une subordination beaucoup plus directe et fondamentale de la ville à la forme État. Mais en Europe, il y a eu une espèce de vacillement et vraiment la naissance du capitalisme, je crois que c'est un problème considérable que se demander en effet, avec toutes sortes de données qui dessinaient la formation du capitalisme en fonction de la forme ville. Et encore une fois je rappelai cette phrase de Braudel parce qu'elle me paraît très bonne, il dit : chaque fois il y a deux coureurs et il dit : c'est le lièvre et la tortue. Or, c'est la ville bien entendu le lièvre, c'est à dire il était à la vitesse la plus grande et pour nous on peut même ajouter qu'on donne au mot vitesse un sens très précis, c'est pas du tout une métaphore, c'est la vitesse de déterritorialisation, il y a une puissance de déterritorialisation dans la forme ville beaucoup plus grande que dans la forme État, j'essayais de dire la dernière fois, parce que dans la ville, la déterritorialisation, elle est vraiment dynamique tandis que la déterritorialisation d’État, elle est peut-être pas moindre mais elle est statique. Or, on se dit, mais en effet, qu'est-ce qu'aurait été et comment se dessinait le capitalisme quand il et dans la mesure où il passe par la forme ville ? Qu'est-ce qui fait qu'il a eu besoin de la forme État ? Ou qu'est-ce qui fait qu'il a choisi la forme État ? Ce sera très important pour nous d'essayer de préciser cette question. Là je dis tout de suite, une des hypothèses que je vois, qui me paraît des plus importantes, je sais pas si je l'avais dite, c'est très lié à un thème voisin que l'on rencontrera aussi, que l'on a rencontré l'année dernière, à savoir que de toute manière, il y a nécessité aussi bien pour la forme ville que pour la forme État, il y a nécessité de s'approprier, de capturer une machine de guerre. Or, pourquoi je dis ça ? Parce qu'à ce moment là tout devient un peu plus clair. Il me semble que c'est une des raisons, je dis pas du tout la seule, mais à savoir que la forme ville n'est pas un bon instrument d'appropriation de la machine de guerre. C'est la forme État, parce que c'est la forme État qui peut faire les investissements dans la guerre dite de matériel. La forme ville a beaucoup moins cette possibilité. Encore une fois, la forme ville, c'est pas qu'elle engendre pas ou qu'elle ait pas, qu'elle s'approprie pas sa machine de guerre, mais elle a besoin essentiellement de guerres rapides, elle a besoin de guerres rapides à base de mercenaires. Il est évident que la guerre ou l'appropriation de la machine de guerre peut orienter vers de toutes autres voies, à commencer par la conscription nationale du point de vue des hommes, par l'investissement matériel du point de vue du capital et que c'est peut-être une des raisons principales de ce que le capitalisme ait passé par la forme État et il s'en est pas tenu à la forme ville, ce qui a impliqué que les États, comme dit Braudel, que la tortue rattrape le lièvre. Il a fallu que la forme État fasse peser son poids, son appareil de pouvoir qui n'est pas le même que celui du pouvoir des villes, il a fallu que l'appareil d’État fasse peser cet appareil de pouvoir sur les villes. D'où en effet, ce que confirme le texte que tu viens de lire, l'extraordinaire méfiance à la fois et des villes par rapport à la forme État et de la forme État par rapport aux villes.

 

(voix de la même femme) Oui enfin, il y a une question qui est liée à la circulation parce qu'ils... (Deleuze) Oui, oui, complètement, puisque les villes, en tant que c'est des instruments de polarisation sur un réseau, la ville renvoie à une autre ville ou à d'autres villes, elle est essentiellement pensée en termes d'entrées et de sorties, essentiellement. Tandis que l’État, c'est pas ça. Bien sûr, il y a une entrée et une sortie de l’État, je dis, c'est pas l'essentiel. Je veux dire ça parce que vous comprenez, on aura besoin de se rappeler ce point, que lorsque l'on arrive à définir les formations sociales par des processus, processus de capture, processus d'anticipation-conjuration, etc., il faut voir que ces processus tantôt jouent à l'état comme pur, je peux dire une société primitive, bon d'accord, ou une bande, c'est déjà pas la même chose mais ce sont des formations sociales où vraiment le processus, le mécanisme d'anticipation-conjuration l'emporte sur tous les autres. Mais ça c'est un premier point de vue. Un second point de vue, il faut voir comment chaque formation n'enveloppe pas seulement le processus prééminent qui lui correspond mais adapte à sa manière les autres processus. Par exemple, des processus d'anticipation-conjuration, vous les trouverez aussi dans les villes, dans la formation ville pour conjurer l’État. Des processus d'anticipation-conjuration, vous les trouverez aussi dans le capitalisme pour conjurer les limites du capitalisme. Donc, si vous voulez, chaque processus joue de manière préférentielle dans tel type de formation mais il peut très bien être repris dans une toute autre formation. C'est pour ça que ça fait un champ social où tout coexiste nécessairement. Bon, alors on continue.

 

(Voix d'une autre femme) J'ai une question sur la semaine dernière. (Deleuze) Ouais ! (voix de la femme) Quand on parlait de dernier mot, de dernier verre, de dernier amour... (Deleuze) Ouais ! (voix de la femme), On pourrait peut-être citer le dernier agencement chez Beckett pour... (Deleuze) Le dernier agencement chez Beckett, oh oui, pourquoi pas ? On va voir où on pourrait mettre le dernier chez Beckett. Oui, il y a un dernier amour qu'il appelle bizarrement le premier amour, oui, il y a tout ça, oui. (voix de la femme) Et puis, chez Lawrence, je crois que t'avais dit une fois, (inaudible) (Deleuze) Ah oui, ça c'est tout simple, oui, ce qu'il veut dire... C'est pas tout simple mais ce qu'il veut dire Lawrence lorsqu'il (s'adapte ?)... Eh ben on va parler de tout ça.

 

Alors bon, c'est un nouveau thème que l'on aborde aujourd'hui. Je vous demande juste de sentir que ces thèmes sont très à la suite les uns des autres. Là, on se trouve dans la situation suivante, on se dit que notre tâche aujourd'hui, ça devrait être de construire un modèle même très abstrait, un modèle abstrait qu'on pourrait appeler modèle de l'échange primitif. En arrière fond, on a comme souci que quand même, parmi tous ces mécanismes dont on a parlé la dernière fois, le mécanisme qu'on a cru bon d'appeler d'anticipation-conjuration, à la fois il m'intéresse mais il restait comme un mystère : qu'est-ce que c'est que ces anticipations-conjurations collectives ? Alors, qu'est-ce qu'un modèle de l'échange primitif ? Je me permettrai d'avancer dans cette voie et surtout, est-ce que ça nous permettrait de renforcer notre hypothèse d'une coexistence des formations sociales les plus diverses dans un champ donné ? Or, les conditions de base... Donc on va faire comme ça, si vous voulez, mettons, on se propose, je suppose qu'on se propose de construire ce modèle abstrait de l'échange primitif. Au point où nous en sommes, nous savons ce que nous ne pouvons pas nous donner. Qu'est-ce que nous ne pouvons pas nous donner ? Et qu'est-ce que nous devons nous donner ?

 

Et ben nous devons nous donner, par définition, des groupes qui sont dans une certaine communication les uns avec les autres et en effet, je ne reviens pas là-dessus, nous ne croyons pas, il ne nous semble pas nécessaire de présupposer ce qu'on appelle classiquement l'autarcie des petites sociétés primitives ou leur indépendance, ou leur incommunicabilité. On suppose que des groupes primitifs peuvent être tout à fait en rapport les uns avec les autres, bien plus, je suppose que c'est inévitable. C'est inévitable parce que les formations primitives coexistent déjà avec les États, avec des appareils d'Empire, que ces appareils d'Empire impliquent et mettent les groupes primitifs en communication les uns avec les autres, donc on a toutes raisons de penser qu'il y a des formules d'échange primitifs et pas des groupes indépendants. Bien plus, je me dis, il y a communication entre groupes étrangers dès qu'il y a, même pas écriture, l'écriture, ça renverra à l'appareil d’État, à l'appareil Empire, mais dès qu'il y a parole, dès qu'il y a langage, quelque chose nous fait pressentir que finalement le langage, j'entends y compris le langage oral, c'est pas du tout fait pour ceux qui parlent la même langue. Je dirais même plus, le langage, il n'existe que dans la mesure où il y a déjà des contacts entre des gens qui ne parlent pas la même langue. Je veux dire, le langage est inséparable d'une fonction de traduction des langues et non pas d'une fonction de communication à l'intérieur d'une seule et même langue. Enfin, tout ça, on se donne ce minimum : groupes primitifs en rapport les uns avec les autres. Mais il y a des choses qu'on ne peut pas se donner. C'est quoi ?

 

Si nous supposons qu'il y a des échanges primitifs, nous ne pouvons pas nous donner premièrement la coexistence d'un stock. Je dis les conditions du problème pour moi, je verrais aucun inconvénient à ce que parmi vous il y en ait qui disent : ah ben non, le problème pour moi, il se pose autrement. Moi, je dis comment il se pose pour moi. Je ne peux pas me donner la préexistence d'un stock pour une raison très simple, c'est qu'on a vu les dernières fois, je reviens pas là-dessus, que loin que le stock présuppose un surplus, c'était le stock qui était constitutif du surplus et que le stock était un acte de l'appareil d’État. Donc si je cherche une formule des échanges primitifs qui coexistent, entendons-nous bien, qui coexistent avec des appareils d’État mais qui ne constituent pas des appareils d’État puisqu'ils vont à la fois anticiper et conjurer, vous vous rappelez, les appareils d’État, je peux pas supposer que l'échange primitif implique un stock. Je peux tout au plus dire qu'il implique une élasticité de l'offre et de la demande. Ça me suffit, oui, une certaine élasticité de l'offre et de la demande, c'est à dire que tantôt ils mangent plus, ils mangent moins, bon, donc ils peuvent échanger de la nourriture etc., mais je réclame aucun stock préalable, je réclame juste des données (inaudible 20:23) j'emploie là un terme d'économie politique courant, d'élasticité de l'offre et de la demande. Donc, l'échange primitif, je dis, impossible de se donner un stock, (inaudible 20:39).

 

Deuxième chose, impossible de se donner un équilibre ou un équivalent monétaire ou d'un autre type pour la même raison. Encore une fois, ces formations primitives coexistent avec l'appareil d’État mais impliquent d'autres processus. Or, on a vu que non moins que le stock était un acte de l'appareil d’État, le marché, la monnaie, sont des actes de l'appareil d’État. Et en ce sens, on a déjà mis en question sans encore le justifier suffisamment, on a mis en question l'idée que la monnaie puisse trouver une origine dans le commerce, c'est à dire dans des formes d'échange généralisées, pour dire : non, de toute manière, s'il y a une origine de la monnaie, c'est du côté de l'impôt, c'est à dire un acte fondamental de l’État, qu'il faut la chercher. Donc, pas moyen de se donner équilibre, équivalent ou marché, ou l'existence d'un marché.

 

Enfin, troisièmement, pas question non plus de se donner l'hypothèse d'une intervention dans l'échange primitif d'un travail ou d'un temps de travail, d'un travail nécessaire ou d'un temps de travail socialement nécessaire à la production de l'objet échangé. Pourquoi ? Parce que là aussi, l'année dernière on l'avait déjà développé mais on aura à le retrouver sous un autre aspect cette année, pour une raison très simple c'est que ces formations dites primitives ne fonctionnent pas sur le régime du travail qui est un régime d'activité très spécial. L'année dernière, on avait essayé de préciser, on avait trouvé faute de mieux la formule d'action continue ou activité à variation continue que l'on opposait à l'activité du type travail. En effet, il me semblait et il faudra mieux l'expliquer, peut être pas aujourd'hui, que de toutes manières le travail n'était pas une activité naturellement déterminée mais était une détermination très particulière de l'activité, un modèle auquel on soumettait l'activité et ce « on » nous paraissait une fois de plus l'appareil d’État à savoir, c'est l'appareil d’État qui soumet l'activité au modèle travail. Donc, pas question d'invoquer un temps de travail qui servirait de critère de comparaison possible entre objets échangés au niveau d'un échange dit primitif. Donc, voyez, je continue mon hypothèse tout à fait abstraite.

 

Et voilà que survenait, alors pour nous aider, une hypothèse dont je dois dire tout de suite qu'il est curieux qu'elle nous survienne, là. Je disais, ben oui, voilà qu'il y a des économistes qui ont dit : la valeur ne s'explique ni par le travail ou le temps de travail nécessaire à la production de l'objet, ni par l'utilité de l'objet, donc ils s'opposent et à la valeur-utilité et à la valeur-travail, et ils disent cette formule mystérieuse : la valeur se réfère à l'utilité du dernier objet. Alors, je dis tout de suite, ce qui est curieux, c'est que cette thèse, le dernier objet étant l'objet marginal, est bien connu sous le nom, en économie politique, de marginalisme ou néo-classicisme et que cette théorie a eu et conserve encore une importance fondamentale. Je dis qu'elle a été évidemment élaborée pour rendre compte du capitalisme et du marché capitaliste. Mais les théories ont des aventures, comme tout. Ce serait pas invraisemblable que par exemple une théorie inventée pour tel secteur, pour rendre compte de certains phénomènes du marché capitaliste, notamment de l'équilibre des prix en régime capitaliste, se retourne et se découvre avoir un champ d'application dans les formations non-capitalistes. Donc, l'on peut toujours se poser cette question : est-ce que l'objet marginal, l'idée du dernier objet, est-ce que ça trouverait pas une application très curieuse dans des formations dites primitives ? Est-ce que ça va pas nous aider, c'est ma question, dans notre hypothèse ?

 

Je cite un texte d'un manuel, pas du tout d'un grand économiste, d'un manuel qui expose le marginalisme. Je lis lentement. Il s'agit cette fois du travail et de la productivité, non pas du produit, il s'agit de la productivité du travail et du travailleur. Et voilà ce que dit l'auteur : « Soit un éleveur de moutons – voyez, c'est tout simple, il faut que l'exemple soit très clair – soit un éleveur de mouton qui se demande si son personnel de base est suffisant. Il peut s'apercevoir que s'il louait un pâtre de plus (sans faire par ailleurs aucun changement dans son outillage ni dans ses constructions) – il met ça entre parenthèses, je le souligne, je le souligne pour l'avenir, pour mon avenir. » Voyez bien les conditions, vous avez l'entrepreneur, l'entrepreneur-éleveur qui se dit : est-ce que j'ai assez de pâtre ? Voilà la question. Et il se dit : peut-être que je pourrais louer, c'est à dire salarier, un pâtre de plus sans faire aucun changement dans mon outillage ni dans mes constructions. Il faudrait ajouter : ni dans mes terres. Vous n'ignorez pas qu'un mouton, c'est tant. Je sais pas, une vache, c'est un hectare, un veau, je sais pas... Et la surface de terre est ce coup ci censée rester la même. Donc sans faire aucun changement, est-ce qu'il peut prendre un pâtre de plus ? C'est une question que tout les... Il faut se mettre, pour comprendre tout ce qu'on aura à dire plus tard sur le capitalisme, il faut toujours se mettre aussi à la place d'un patron. Voilà, le patron de moutons, quoi. Est-ce que j'engage quelqu'un de plus ? Une fois dit qu'il s'agit de ne rien changer dans son entreprise. Sentez que déjà, on a quelque chose. Je voudrais aller très lentement aujourd'hui et que vous me suiviez très bien. Commence à se dessiner une notion de seuil. Tout les patrons font des, tout les patrons disent ça. Il y a même une règle fameuse qui est quelque chose comme la règle des cinq ans. Il y a toujours un seuil dans une entreprise. Les patrons savent très bien qu'au-delà d'un certain seuil, il faut changer la structure de l'entreprise. Par exemple, il y a un seuil à partir duquel si vous engagez une personne de plus, vous avez comme patron sur le dos un comité d'entreprise. Vous me direz, c'est pas grave. C'est pas grave... Oui, non, bon... Il y a aussi des seuils où la comptabilité peut plus être faite de la même manière, il faut que vous changiez. Je dirais, il y a des seuils au-delà desquels l'agencement tout entier doit changer. Voyez donc que mon patron de moutons, là, il est en train de se dire : est-ce que je peux engager un berger de plus sans changer mon agencement c'est à dire sans augmenter ma propriété, sans changer les constructions, etc... Voyez le problème, je continue. « Il peut s'apercevoir que s'il louait un pâtre de plus sans faire par ailleurs aucun changement, le troupeau serait mieux soigné, le nombre des agneaux en pourrait être augmenté et l'on serait en mesure – c'est à dire lui – il serait en mesure d'en voyer ainsi au marché vingt moutons de plus chaque année. » Supposons qu'il s'aperçoive de ça : sans changer l'agencement de mon entreprise, si j'engage un type de plus, je peux avoir vingt petits agneaux de plus à envoyer au marché. Voyez, donc si vous comprenez pas, vous comprendrez plus loin, ça c'est pas... Jusque là, ça va. « Le produit net du travail de ce pâtre supplémentaire sera donc en quantité de vingt moutons – or, puisque avec le pâtre supplémentaire, le type, sans rien changer, peut faire vingt petits moutons de plus, le produit net du travail de ce pâtre sera donc en quantité de vingt moutons et en valeur, du prix que ces vingts moutons vaudront au marché. Tout ça est limpide – si l'éleveur peut embaucher le pâtre supplémentaire pour un salaire tant soit peu inférieur, c'est à dire tant soit peu inférieur au prix des vingts moutons – prix des vingts moutons moins x – si l'éleveur peut embaucher le pâtre supplémentaire pour un prix inférieur, un salaire tant soit peu inférieur au prix des vingts moutons, il le fera. Sinon, il s'abstiendra de l'engager – c'est des règles de base d'une entreprise – Ce berger que l'on est sur le point d'embaucher – le texte commence à devenir intéressant ici, là, le patron, c'est dans sa tête, il évalue : est-ce que je peux engager un type ? Est-ce que ça va, est-ce qu'il va me rapporter 20 moutons ? Est-ce que je peux le payer un peu moins ou beaucoup moins que le prix des vingts moutons au tarif du marché ? – Ce berger que l'on est sur le point d'embaucher, c'est le berger marginal, c'est le berger limite. » Voyez pourquoi il est marginal ou limite : parce que si ce dernier berger est engagé et si l'on engageait encore un autre berger après le dernier, alors à ce moment là, il faudrait que l'agencement change. C'est pour ça que la parenthèse est essentielle. C'est le berger limite compte tenu de l'agencement considéré. Le type, il peut toujours engager encore d'autres bergers, à ce moment là il lui faudra de nouvelles terres, de nouvelles constructions, il faudra qu'il change la nature de son agencement d'exploitation, la nature de l'entreprise. Comprenez, donc là, on en est à un dernier berger au sens de : le dernier avant que l'agencement ne soit forcé de changer. C'est ce qu'on appellera le marginal ou l'objet limite ou le personnage limite. Bon, ça va ? Vous m’arrêtez si ça va pas. Il recevra un salaire approximativement égal à la valeur nette qu'il ajoute au produit total, c'est à dire inférieur aux vingt moutons qu'il rapporte, inférieur dans une mesure déterminée. Voilà. Mais si nous supposons que tous les bergers de l'entreprise, celui-là, le berger marginal, c'est une belle notion le berger marginal, c'est curieux ça... Bon alors, ça va déjà, vous sentez qu'on veut en venir, qu'on va en revenir à nos problèmes que j'invoquais la dernière fois, plus concrets là : le café, le dernier verre. Mais je me dis, vous voyez, la dernière heure, faudra aller voir, faudra retourner dans cette parabole de la dernière heure et voir, non pas du tout si c'est du marginalisme, c'est pas comme ça qu'on travaille, mais si il y a moyen de faire, pas du tout une assimilation entre un texte du nouveau testament et un texte de l'économie politique, ça n'aurait aucun intérêt, mais si on peut pas sauter de l'un à l'autre, faire une rupture qui va enrichir cette notion de dernière heure. Mais enfin, voilà, si nous supposons que tous les bergers de l'entreprise, celui-là et ceux qui avaient été engagés précédemment, c'est à dire toute la série, toute la série des pâtres engagés jusqu'ici jusqu'au pâtre marginal, si nous supposons que tous les bergers de l'entreprise, celui-là et ceux qui avaient été engagés précédemment, sont interchangeables, c'est à dire si on se donne pas l'hypothèse d'un berger génie, si ils sont interchangeables, nous devons penser que tous toucherons nécessairement le même salaire. Voyez, ce qui veut dire, si vous avez compris cette phrase : tous toucherons nécessairement le même salaire, c'est formidable. Il est en train de nous dire... De quel droit il peut nous dire ça ? Il nous dit : le salaire des bergers précédemment engagés dépend de l'évaluation du salaire du berger marginal. Alors, vous me direz : mais le berger marginal, il n'est pas encore engagé. Évidemment il est pas encore engagé. Sur toute la série, toute la série est déterminée par l'évaluation par l'entrepreneur du salaire du berger marginal et le salaire des pâtres, des bergers précédents, sur toute la série, va être déterminée par le salaire du dernier des bergers possibles. Encore une fois, comment est-ce que je peux dire : dernier objet possible ? Je peux le dire parce que j'appelle dernier objet possible, euh, non, dernier berger possible, dernier berger avant que l'agencement soit forcé de changer. Un berger de plus, outre le dernier berger, l'agencement n'est plus possible, il faut un autre agencement. Donc, c'est l'évaluation du salaire du berger marginal qui détermine le salaire de tous les bergers existants. Vous saisissez ? Bon. C'est pas étonnant que ce soit des anglais qui ont eu ces idées, c'est très, très... C'est très rigolo. Et cet auteur qui ne fait que résumer les thèses marginalistes peut conclure, c'est ça qui m'intéresse : « la productivité de l'ouvrier marginal – à savoir son pouvoir sur vingt petits moutons – la productivité de l'ouvrier marginal détermine ainsi non seulement le salaire de cet ouvrier marginal mais celui de tous les autres. » Bon. Là, on a pris le problème de la productivité et du salaire. Et il ajoute entre parenthèses : « de même que lorsqu'il s'agissait de marchandises – et sans doute au niveau de la marchandise, c'est encore plus clair, mais bon, c'est un cas plus difficile donc si vous le comprenez, vous comprenez à plus forte raison pour la marchandise – de même que lorsqu'il s'agissait de marchandises, l'utilité du dernier seau d'eau ou du dernier sac de blé commandait la valeur non seulement de ce seau ou de ce sac mais de tous les autres seaux ou de tous les autres sacs composant le stock. » Nous barrons le dernier mot : « composant le stock », si vous voulez puisque il ne convient pas, il change rien. La valeur de tous les seaux d'eau et de tous les sacs de blé est déterminée par l'objet marginal c'est à dire par la valeur déterminante du dernier seau d'eau et du dernier sac de blé. Vous me direz, dans ce cas là, on comprenait vaguement ce que c'était que le dernier dans le cas du pâtre, mais on comprend plus ce qu'il peut être dans le cas du seau d'eau et de... Bon, si on a déjà compris à propos du pâtre et que l'on voit que les marginalistes ont commencés par faire leur analyse non pas au niveau de la productivité ni du travail, mais au niveau de la marchandise, c'est donc l'utilité du dernier objet qui détermine la valeur de toute la série, c'est ça si je résume, c'est l'utilité du dernier objet qui va déterminer la valeur de toute la série et de chaque terme de la série. Si on dit ça, on se dit : bon, on tient est-ce que ?... Et en fait on a un repos et on se dit, il faut reprendre notre souffle : on oublie, on oublie le marginalisme ou on fait semblant de l'oublier.

 

Et on se dit, c'est curieux ce truc du thème du marginal. Le dernier détermine la valeur de toute la série. Qu'est-ce que je peux dire là-dessus ? Que, en fait, il faut corriger, c'est l'idée du dernier. L'idée du dernier détermine la valeur de toute la série réelle, de toute la série des termes réels. Pourquoi ? Bah ça on l'a très bien vu, c'est clair dans l'exemple du pâtre. C'est pas au moment où le dernier pâtre, le pâtre marginal est effectivement engagé qu'il va devenir déterminant du salaire, c'est la salaire de tous les pâtres précédents réellement engagés qui est déterminé par l'idée de la productivité du pâtre marginal, c'est à dire du dernier pâtre engageable sans que l'agencement change. En d'autres termes, voilà déjà quelque chose qui m'importe énormément. Je peux reformuler plus précisément mon hypothèse : il y aurait des évaluations collectives, on est en plein champ social, en pleine formation collective, il y aurait des évaluations collectives qui seraient de nature anticipatrices. Elles anticiperaient quoi ? Elles anticiperaient la limite. Là on, tout d'un coup, on progresse à pas de géant même si c'est abstrait. Elles anticipent la limite. Elles anticipent le nombre de termes nécessaires pour arriver à cette limite et elles anticipent le temps mis à atteindre cette limite. Pourquoi est-ce que cette évaluation collective est anticipante ? Après tout, c'est un de ces sujets philosophiques qui nous importent, enfin même du point de vue de l'histoire de la philosophie, je cite pour mémoire un très beau texte de Kant que certains d'entre vous connaissent sur les anticipations de la perception. Et dans ce texte Kant essaye de montrer que la perception a une structure telle qu'elle comporte au moins, elle qui est toute entière liée à l'expérience, elle perçoit quelque chose qui lui est donné dans l'expérience, sinon on conçoit, on perçoit pas, et bien qu'il y a pourtant une donnée que Kant appelle a priori c'est à dire indépendante de l'expérience qui intervient dans la perception. Une seule. Et c'est cette donnée qui constitue l'anticipation de la perception. Et cette donnée, c'est que quelle qu'elle soit, la perception a nécessairement une quantité, une grandeur intensive. Bon, je dis, peut-être qu'on rencontre, à un tout autre niveau, mais peut-être que là aussi le croisement se fera entre ce problème de l'anticipation dans le jugement et là on tient vraiment sous un tout autre aspect, on tient un problème de l'anticipation dans l'évaluation collective. Et l'on dit, l'évaluation collective c'est, et on l'appellera à ce moment là quitte à dire ensuite : ah non, on s'est trompé, ça n'était qu'un cas, il y a d'autres évaluations collectives... Mais pour le moment je peux dire : j'appellerai évaluation collective une évaluation qui porte sur l'idée d'un dernier objet, de l'objet marginal et par là même sur le nombre des termes de la série pour arriver à ce dernier objet et le temps nécessaire pour y arriver. Voyez, pourquoi ça m'intéresse ? Ça m'intéresse énormément puisque les autres années, j'y trouverais comme une confirmation, mais à quelles autres années je pourrais pas penser ? Les autres années, on n'a pas cessé de tourner autour de la notion d'agencement, très souvent. Et j'essayais de dire : l'agencement, un agencement, ce qui me paraît meilleur que la notion de comportement, finalement, on agence, on se comporte pas, et ben, c'est très différent comme notion en même temps, et ben j'essayais de dire : un agencement, ça a toujours deux faces. Ça a comme, en très gros, ça a une face, et ces deux faces, l'une ne dépend pas de l'autre, elles sont en présuppositions réciproques. Bien, tout agencement a un aspect physique ou même il faudrait dire, pour durcir le mot, physicaliste et il a un aspect sémiotique ou sémiologique c'est à dire, il est à la fois agencement machinique et agencement d'énonciation. Pourquoi je fais cette parenthèse ? Parce que là, et ces deux aspects sont pas du tout symétriques, ils se correspondent pas du tout terme à terme. Dans tout agencement, vous trouverez un système de formulation et d'énoncés et vous trouverez un système de choses mélangées. On revient dans l'agencement primitif dont je m'occupe en ce moment, qu'est-ce que je trouve ? Je trouve bien l'aspect, comment dire, chose physique, physicale, à savoir la série des hommes, des pâtres, ou des objets (coupure)

 

Dans ce cas qu'est-ce que j'appellerais système d'énonciation de l'agencement ? Précisément l'ensemble des évaluations collectives portant sur l'idée de dernier objet. Or, vous n'attendez pas que le dernier objet soit là. Vous n'attendez pas, le patron n'attend pas d'engager le dernier pâtre possible pour que son évaluation de la productivité du dernier pâtre ne détermine le salaire réel de tous les pâtres réels. Bon, bah, c'est ça, c'est ça l'évaluation collective. Or là, je touche bien un problème. Quel problème je touche ? Parce que par rapport au schéma de la théorie de la valeur-travail... Ça va devenir plus compliqué... Il faut me supporter... Par rapport à la valeur-travail, remarquez qu'il y avait un problème commun auquel l'économie politique, et c'est même ce qui la rend intéressante à mon avis du point de vue d'une théorie des énoncés ou une théorie de l'énonciation, l'économie politique, fatalement (inaudible 47:38 raconte le même problème ?) , quelle que soit sa construction, à savoir : comment se fait l'évaluation du moyen d'échange ou du critère d'échange ? Faut bien qu'il y ait une évaluation collective. Je dirais qu'un chapitre fondamental et insuffisamment dégagé de l'économie politique, c'est quelle que soit l'école à laquelle on se réfère, c'est qu'elle comporte nécessairement une théorie des évaluations collectives que j'appellerais aussi bien une théorie de l'anticipation des perceptions sociales. Bon, ça marche très bien. Parce qu'en effet, les partisans de la valeur-travail, qu'est-ce qu'ils nous disent ? Ils supposent que le moyen d'échange des objets se rapporte au temps de travail dit socialement nécessaire pour produire les objets. Vous voyez, c'est une thèse extrêmement claire. Encore une fois là, prêter cette thèse à Marx est un non-sens, non pas que Marx ne la prenne pas, mais Marx ne prétend pas l'inventer, c'est au contraire la vieille théorie la plus classique de l'économie politique classique. La nouveauté de Marx, elle est assez profonde mais précisément, elle est pas là. Bien, on nous dit, s'il y a donc échange d'objets, c'est parce qu'il y a bien un moyen de comparer les objets d'échange. Vous voyez, dans la théorie de la valeur-travail, le seul moyen de comparer les objets échangés, c'est comparer le temps de travail socialement nécessaire pour la production de l'objet A et de l'objet B. Je suppose que l'objet A prenne le double du temps, il vaudra deux objets B, bon, tout ça, voilà. Vous voyez que la théorie de la valeur-travail implique quand même, on suppose pas que ces sociétés par exemple aient des systèmes ni même un état du travail qui soit un travail mécanisé. Or si on ne suppose pas une mécanisation et une quantification dite scientifique, pseudo-scientifique du travail, le temps de travail nécessaire implique et renvoie immédiatement à une évaluation collective et du travailleur et de l'entrepreneur et de la collectivité elle-même. Ah oui, ça ça prend... Tu emploies avec une hache en acier... Ils vont pas faire des mesures quand même... Avec une hache en acier, tu fais deux fois plus de ou trois fois plus de travail qu'une hache en fer... C'est une évaluation collective qui porte sur le temps de travail. Ça suppose le régime travail. Bon. Pour des raisons que nous avons vu et d'autres que nous allons voir, encore une fois je peux pas dire tout à la fois, nous nous sommes privé de cette possibilité dans le cas des échanges dits primitifs, qu'on appelait par convention primitifs, puisque nous disons : là, il n'y a pas de temps de travail socialement nécessaire puisque l'activité y est en variation continue, donc il n'y a absolument rien qui corresponde au temps de travail. Pourtant, pourtant, là je cite pour mémoire pour que, par souci de, bien sûr je sais qu'il y a certains ethnologues qui ont tenté d'appliquer les critères, même très quantitatifs de temps de travail aux sociétés primitives. C'est très curieux que même ceux-là disent que cela n'a pas de correspondance dans la conscience du groupe, ça n'a pas d'équivalent. On peut toujours l'appliquer, mais... Je pense à un australien qui a beaucoup poussé ce genre de recherche, il dit : ben oui, ça marche en effet, ça marche c'est vrai mais voilà... Ça fait rien. Nous, pour des raisons que j'ai essayé de dire ou de laisser prévoir, on peut pas penser que l'évaluation collective porte sur le temps de travail. Bien plus, un des textes les plus poussés à cet égard se trouve dans Engels. Dans Engels, la préface que Engels fait au livre III du Capital. Le livre III du capital, il est pas publié par Marx lui-même, publié par Engels et Engels il donne une préface. Et dans cette préface, je crois, un des textes les plus précis où Engels dit : une fois donnée, une fois dit la valeur-travail, comment peut se faire dans une société très primitive l'évaluation du temps de travail dont c'est lui le partisan d'une théorie valeur-travail ? Et sa réponse dit que bah oui, il y a une espèce d'évaluation collective sur le mode de l'anticipation. C'est un texte très curieux, enfin ceux que ça intéresse vous irez le voir, je le ferais passer à la fin de la séance. Il ajoute : sinon, ceux qui échangent ne rentreraient pas dans leurs frais. Accordez-moi, puisque vous avez tout compris, pourquoi cette dernière phrase « sinon, ceux qui échangent ne rentreraient pas dans leurs frais » pourrait nous mettre dans un état de joie dont je ne témoigne pas suffisamment ? C'est parce que, peut-être, vous le sentirez sûrement, il frôle quelque chose à savoir, il est en train de réintroduire un critère marginaliste. Si l'on essaye de commenter « sinon ceux qui échangent ne rentreraient pas dans leurs frais », comment est-ce qu'on pourra définir la rentrée dans les frais indépendamment à la référence à tout autre type d'évaluation ? L'évaluation respective des frais, est-ce qu'elle fera pas allusion ? En tous cas, voyez dans quel état on en est, nous sommes en train de dire : dans certains cas, à savoir là où il n'y a pas appareil d’État, dans des groupes dits primitifs, on a fait un grand gain, nous avions raison de parler de mécanisme d'anticipation parce que ça marche en effet sous forme de l'anticipation. Il y a une évaluation collective anticipatrice et nous précisons : en quoi consiste cette évaluation collective anticipatrice ? Et nous répondons : cette évaluation collective anticipatrice consiste en ceci qu'elle anticipe l'idée limite du dernier objet ou du dernier producteur et fixe la valeur de tous les termes de la série et le temps nécessaire pour épuiser la série, sous-entendu sans que l'agencement change, et le fixe d'après. Donc nous disons : non, pas nécessaire. Pas nécessaire que l'évaluation collective porte sur le temps de travail, l'évaluation collective peut fort bien porter sur l'idée de l'objet limite ou objet marginal. Vous voyez ? Confirmation. Comme la confirmation de (inaudible 55:26)

 

Je sens, tout à l'heure on va se reposer parce que... Vous me dites si vous en pouvez plus parce que... Je veux dire, ça m'ennuie, moi ça m'amuse beaucoup... Ça me met dans un grand état de joie, mais vous c'est pas forcément la même chose. Et parfois on peut parler de choses qui moi m'ennuient profondément et que vous ça vous amusera, on sait jamais. C'est comme ça qu'il faudrait distribuer les UV, je demanderais qui ça amuse là, tout ceux qui diraient ça m'amuse, bon... (remarque d'un étudiant inaudible) (Deleuze) C'est ça, c'est ça, bien sûr. Je résumerai ce qu'il dit. (L'étudiant continue sa remarque inaudible) (Deleuze) Tout à fait, tout à fait. Il remarque que en effet donc toute entreprise fait précisément ce qu'on appelle des opérations de comptabilité et notamment l'exercice du bilan, la confection du bilan fait appel précisément à tout ce système qui implique et qui se fait toujours en fonction d'un seuil au-delà duquel toute l'entreprise devrait changer de structure, notamment la masse salariale je suppose, ce qu'on appelle la masse salariale, en général il y a des (inaudible 57:12) beaucoup plus savant que moi en tous cas pour en parler, voilà... (L'étudiant) Ce qui est important dans la comptabilité générale c'est d'accélérer la croissance sans augmenter les frais (Deleuze) Oui, oui, c'est pas tellement d'augmenter les frais, c'est pire qu'augmenter les frais. (l'étudiant continue sa remarque inaudible) (Deleuze) Tu as raison, tu as d'autant plus raison que l'importance en effet là de cette comptabilité fait intervenir en effet le facteur durée. Il y a le facteur nombres d'éléments, nombres d'éléments de la série, ce qu'on est en train de faire c'est ce qu'on pourrait appeler théorie des groupes sériels mais on appellerait ça précisément en empruntant le mot à Sartre mais en lui donnant un sens complètement différent. C'est des groupes sériels et des opérations sérielles qui font intervenir : nombre de termes de la série, objet limite, idée de l'objet limite et temps mis à. Et en effet, il a raison d'insister sur le facteur temporel dans la comptabilité. Pour ça, on imaginerait une thèse, l'idée de temps dans la comptabilité, ça oui, ce serait une belle thèse... Oui, hein ? Je crois, non ? Certainement, enfin... Mais enfin, ce qu'il y aurait fort à parier, comme il l'a dit... Mais ça, c'est vrai. T'as fait de la comptabilité ? (réponse de l'étudiant inaudible) (Deleuze) Tu sais ce que tu vas faire ? (rires de la salle) Bah quoi ? C'est... Tu serais prêt là ? (réponse) Ouais... (Deleuze) Tu serais prêt tout de suite ? Ça va être formidable, je vais continuer mes exemples concrets, si tu veux même aller à côté réfléchir un tout petit peu, comment juste nous expliquer parce que là ça m'intéresserait beaucoup, nous expliquer dans un quart d'heure, j'irais te chercher. (rires de la salle) Tu vas justement nous expliquer le facteur temps dans la comptabilité analytique, dans une comptabilité d'entreprise. Tu pourrais ? (réponse) Ouais... (Deleuze) Tu peux ? Alors... (L'étudiant) Peut-être tout de suite, ça serait mieux comme ça je reste... (Deleuze) A mon avis, c'est pas mieux (rires de la salle) Alors justement, ou bien tu te bouches les oreilles, tu écoutes plus, tu... Ou bien tu t'en vas et, alors juste pour te donner le temps. Alors, on oublie ça parce que ça c'est quand même un truc...

 

Je dis, il y a un second point, voilà mon premier point, c'était vous voyez cette évaluation collective qui est dès le début. Ah si je précise, il y a, pour ceux qui voudraient pousser ça alors dans un sens philosophique vous voyez à quel point c'est bien, on a un sens comptable grâce à lui, moi je pensais à un sens philosophique, faudrait reprendre, ceux qui connaissent Kant, le texte de Kant, à mon avis se trompe complètement, c'est parfait... Sur l'anticipation, en fait si il y a une quantité intensive de la perception, c'est parce que la perception sociale est fondamentalement sérielle et travaille en fonction de l'objet limite, mais c'est donc pour une autre raison que celle qu'il croit... Non, il faut pas dire ça, Kant ne se trompe jamais, vous éliminez tout ça , c'est pas du tout ça, c'est pas grave... Alors, comprenez-moi, ce que je voulais dire... Oui, il y a, tout le marginalisme a une théorie complètement folle puisqu'ils sont tous fous quoi, tous... Complètement folle se précise la théorie de l'évaluation et du tâtonnement. Et vous voyez que en un sens si on mène ça, ça devient très rigolo puisque là l'opposition entre les partisans de la valeur-travail et les marginalistes prend un sens très très concret. Ils sont tous les deux d'accord encore une fois pour dire : il y a nécessité, rien ne se ferait dans le champ social, ni productivité ni échange des produits, si il y avait pas des mécanismes anticipateurs d'évaluation collective. Ça, ça m'intéresse beaucoup, il ne s'agit pas de la planification, il s'agit pas... Il s'agit de trucs beaucoup plus concret, beaucoup plus généraux dans les sociétés. Simplement, la différence c'est que les partisans de la valeur-travail nous disent : l'évaluation collective porte sur le temps de travail socialement nécessaire. Les marginalistes : rien du tout. Alors, nous on a une raison de suivre les marginalistes sur, quand à certains cas. Je dis, s'il est vrai que dans certains cas, dans certaines formations sociales, vous vous trouvez devant un régime d'activité du type variation continue et pas du tout du type travail, il y a pas d'évaluation collective du temps de travail. Et pourtant il y a une évaluation collective qui va présider aux échanges. L'échange est quand même possible parce qu'à ce moment là vous avez une évaluation collective portant sur l'idée de l'objet limite ou du dernier objet. Mais encore une fois, cette idée, elle est là dès le début de la série. En d'autres termes, elle est une évaluation anticipatrice du temps nécessaire pour arriver à l'objet limite de la série. Mais cette évaluation, elle, elle est dès le premier terme de la série, elle est dès le début. En d'autre terme, elle est beaucoup plus rapide que le temps nécessaire pour arriver à, au dernier terme de la série. Bien plus, elle est nécessairement plus rapide que le temps nécessaire pour passer du terme 1 au terme 2 de la série. D'où une notion très, très curieuse que certains marginalistes développent dans ce qu'ils appellent leur théorie de l'évaluation ou du tâtonnement. Ils ont développé la notion de vitesse d'ajustement infinie. La vitesse d'ajustement infinie, alors là ils la conçoivent, ils se battent entre eux parce qu'il y a plusieurs manières de concevoir la vitesse d'ajustement infinie ou bien en une seule opération, c'est une opération vraiment différentielle au sens de calcul différentiel et on peut la concevoir déjà sous la forme d'une espèce d'intégration de différentiels, c'est à dire il y aurait plusieurs opérations qui se feraient en un temps extrêmement rapide, il y aurait une sommation de ces opérations ou bien il n'y aurait qu'une seule opération, enfin, c'est très important, ce serait presque... Ils donnent des schémas très créatifs, très intéressants, très amusants... (remarque d'un étudiant inaudible) (Deleuze) C'est ça, c'est ça. Et actuellement, alors, sans doute,avec tout ce qu'on a fait, comment ça s'appelle ? Le terminal, avec les distances du facteur terminal, il y aurait des équivalences de vitesses d'ajustements infinies. La bourse actuellement, ça doit fonctionner... Il va dire ça tout à l'heure. Voyez quels horizons ça nous ouvre. Alors, le temps de...

 

Deuxième point. Et là on a un premier point qui déjà nous ouvre beaucoup d'études sur... Deuxième point, et ben me parait évident que dans tout ça il apparaît qu'on joue et si vous avez quelque chose que vous avez pas bien compris, c'est uniquement pour cette raison, c'est pas votre faute, on joue sur le mot dernier et que en fait, il y en a deux derniers. Le dernier a deux sens très, très différents. Voilà. Alors du coup je reprend mon exemple parce que c'est évident, oublions les marginalistes avant d'y revenir, comme ça on aura trois points, ce sera... On a fait petit a, on commence petit b, on oubli tout. Et je reprend mes exemples d'apparence faciles comme ça mais pas plus faciles qu'autre chose. Je dis, je disais, prenons à la lettre le mot dernier, qu'est-ce que c'est le dernier verre ? Au café ? C'est un agencement. Agencement des hommes au café. Il est quelle heure ? (réponse) Midi moins vingt-cinq. (Deleuze) Midi moins vingt-cinq, déjà ? Et ben, les hommes au café, c'est un agencement. Ou bien, je disais les scènes de ménage, à première vue, ça paraît un événement, non, c'est un agencement à voir la manière dont, dans certains ménages, elles se répètent et elle remplit une fonction sociale très précise. On fait sa scène, si on n'a pas fait sa scène, ça va pas. Donc je dis à ce moment là, c'est même plus une habitude, c'est vraiment un agencement fonctionnel. Je m'en tiens à ces deux exemples, on peut les multiplier. Ou bien, je cite pour mémoire parce que j'en aurais très besoin plus tard, la dernière violence. Bon, j'ai le dernier verre dans l'agencement café, voyez, je cherche des exemples, mais vous il faudrait en trouver d'autres mais dans d'autres domaines. Le dernier verre dans l'agencement café, le dernier mot dans la scène de ménage... (Remarque d'un étudiant inaudible) (Deleuze) Dix de der à la belote, dans un jeu, oui, là c'est un cas très complexe, oui... Et puis la dernière violence qu'on laisse de côté parce que c'est plus tard qu'on en aura besoin. Et ben, je dis tout de suite, qu'est-ce qui se passe ? Lorsque les hommes sont au café, j'essaye de raconter l'histoire courante, une histoire courante. Ils sont au café. Chacun demande un verre. Ils sont quatre. Bon, je dis, est-ce que vous pressentez pas qu'il y a un drôle de truc ? Je suppose que c'est très marginaliste. Qu'en fait, le nombre de termes, c'est à dire le nombre de verres et la durée pendant laquelle ils restent au café, bien sûr est soumise à toutes sortes de facteurs : nécessité de rentrer à la maison pas trop tard, contraintes économiques, l'argent, tout ce que vous voulez... Mais est-ce que parmi tous ces facteurs, il n'y a pas une série de type marginaliste ? A savoir que la valeur de tous les verres est déterminée par l'idée du verre marginal, du dernier verre. Au point que c'est pour arriver, comme dans une série finalisée, c'est pour arriver au dernier que tous les autres sont bu. Qu'est-ce que ça veut dire ? Alors pourquoi ils commencent pas par le dernier ? C'est absurde parce que non seulement ils peuvent pas commencer par le dernier mais ils ne peuvent même pas brusquer le temps qui est objet d'une évaluation collective. Et celui qui voudra brusquer le temps se fera moquer. De même, c'est pour dire comme le peuple est bon et n'est pas alcoolique quoi qu'on en dise, celui qui voudra allonger le temps exagérément sera méprisé et traité comme un alcoolique. Il y a une espèce d'évaluation collective, bon. Il y a un nombre de verres qui souvent est réparti d'après le nombre de personnes, à savoir, c'est chacun sa (inaudible 1:10:13 soupe?) et, je dis, la valeur de chaque verre est déterminée par l'idée de l'objet limite, c'est à dire du verre marginal. Et qu'est-ce que ça veut dire le dernier verre ? Quel sens donner à : « Allez, le dernier verre. » Tout ça, là aussi, c'est des problèmes d'évaluation collective. Le dernier verre, c'est le dernier avant que l'agencement ne soit forcé de changer. Si l'on dépasse cette limite, ça ne peut plus être le même agencement. Qu'est-ce que ça veut dire ça ? Si on dépasse cette limite, c'est donc qu'il y a encore un autre dernier alors, il y a un dernier après le dernier. Le dernier après le dernier, c'est celui qui impliquerait un autre agencement. Quel autre agencement dans ce cas précis ? J'en imagine plusieurs. Recommençons pour être clair. Alors, le dernier marginal, celui qui marque la limite, qu'est-ce que ça veut dire la limite ? Ça veut dire : tout le monde en a assez. Ça veut dire on arrête de boire. Cette société là, cette formation sociale là, les types au café : « Bon, c'est fini pour aujourd'hui. » Qu'est-ce que ça veut dire ? « On se retrouve demain, à demain les gars. » Ça veut dire quoi ça ? A la lettre, pour aller plus vite, je dis, il faut bien se reconstituer, il faut bien arrêter de boire pour pouvoir reboire. Faut bien arrêter de boire pour pouvoir reboire, ça marque quoi ? Ça marque la pause nécessaire entre deux séries du même agencement, la pause nécessaire entre deux exercices du même agencement. (inaudible 1:12:15) La pause nécessaire entre deux exercices du même agencement est marquée par l'objet marginal. En outre, c'est pour ça que d'une certaine manière, vous reconnaissez l'alcoolisme à ceci que les alcooliques sont des gens qui ne cessent pas d'arrêter de boire. C'est pas des gens qui boivent tout le temps. De même que vous ne rencontrez que des drogués en cours de désintoxication, vous ne rencontrez que des alcooliques en train d'arrêter de boire. Le « j'arrête de boire, je cesse de boire », fait strictement partie de l'alcoolisme. Vous me direz : qu'est-ce qui n'en fait pas partie ? On va voir, bon. Bien, c'est donc des séries qui sont comme autant d'exercices d'agencement, l'agencement restant le même et chaque fois l'objet marginal arrive. Vous me direz : mais l'objet marginal de chaque série peut changer. Oui, il y a des phénomènes dans l'histoire de la vitesse d'ajustement, il peut y avoir une intensification de l'objet marginal au sein du même agencement, mais voir si en douce déjà l'agencement n'est pas en train de changer. D'où je passe à l'autre problème, qu'est-ce que ce serait l'autre problème ? Je peux dire n'importe quoi, il y a un seuil, or là aussi les alcooliques, ils sont pas des idiots, ils sont très, très sensibles aux seuils. Je me dis, comme ça, est-ce qu'il pressentent ?... Il pourraient pas tenir. Faudrait sauter dans un autre agencement. Quoi alors ? Ou bien changer la nature des boissons, on voit ça aussi dans l'évaluation collective drogue. Après un seuil, on devient... Va falloir changer l'agencement, l'agencement drogue, va falloir passer de l'herbe à autre chose, c'est bien un problème d'évaluation des limites. Et puis, ou bien changer la nature des boissons ou bien changer l'agencement, c'est à dire la composition de l'agencement, pas la nature des boissons mais les gens avec qui on boit, ça pourra plus être les mêmes, faudra changer d'agencement, on passera avec de vrais alcooliques, ce sera plus les copains après le boulot, ce sera autre chose, bon. Là aussi, il y a une espèce d'évaluation. Ou bien, on sent très bien, si je vais trop loin, là je risque quand même quelque chose, ce sera un agencement particulièrement terrible, ce sera l'agencement hospitalier, l'agencement hôpital. C'est un agencement, l'agencement hôpital, c'est un agencement. Je dis que là on aura atteint le seuil parce qu'on aura franchi la limite. Ayant franchi la limite définie par l'objet marginal, il faut changer d'agencement d'une manière ou d'une autre en s'inventant un autre agencement alcool ou bien en entrant dans un agencement hôpital, je veux pas dire que ce soit nécessairement un agencement hôpital, ou bien à charge d'inventivité d'agencement, il y a tellement d'agencements. De même pour mon histoire de... Je peux dire, alors je peux aller très vite là parce que c'est exactement la même chose dans mon histoire de scène de ménage. La scène de ménage fonctionne comme un agencement. Elle fonctionne par séries. Chaque série ou chaque exercice d'agencement, je dirais, est strictement déterminé par l'évaluation collective, c'est à dire l'évaluation bizarrement commune, vaguement commune que font les deux partenaires si l'agencement est de couple, donc l'évaluation collective, c'est l'agencement des deux partenaires, que les deux partenaires font concernant quoi ? L'idée du dernier mot. L'idée du dernier mot, du mot marginal, du mot limite. C'est pas forcément toujours le même mais il se définirait par un certain poids ou une certaine couleur. Bon, il y a aussi une évaluation collective du temps nécessaire pour arriver à ce mot et des autres mots par lesquels il faut passer. Je dirais la valeur des autres mots et la quantité du temps nécessaire pour arriver etc, est déterminée par l'évaluation collective du mot marginal. C'est lui l'objet limite. Supposez qu'il soit dépassé : là il y a quelque chose qui va plus. Tout à coup, il y en a un des deux qui dit quelque chose de trop. On peut le concevoir, ça arrive tout le temps dans les scènes de ménage. Encore une fois, quand vous en êtes le spectateur effaré, vous vous dites : « eh bah alors, ils peuvent pas aller plus loin. » Et puis il y en a un qui dit tout d'un coup un mot qui à vous paraît tout à fait en retrait, et c'est celui là qui n'est pas supportable. Il a dépassé la limite. Il a dépassé la... Voilà. Il a dépassé, justement, il est sorti de l'espèce d'accord impliqué par l'évaluation collective. A ce moment là, c'est tout l'agencement qui change. A savoir, on entre dans l'agencement divorce, l'agencement séparation, c'est un autre agencement, c'est plus l'agencement de couple, c'est un agencement, un autre.

 

Bon, qu'est-ce que je suis en train de dire ? Je suis en train de dire que dernier au sens de marginal, ça veut pas dire ultime, ça veut dire en fait avant-dernier puisqu'en effet, le dernier au sens de ultime est celui à partir duquel l'agencement est forcé de changer. Le dernier au sens de ultime ou celui à partir duquel l'agencement est forcé de changer, c'est ce que j'appellerai le seuil. Alors pourquoi ne pas réserver à celui-là le mot dernier ? On est bien forcé de réserver à celui-là le mot dernier puisqu'il est le premier, il est le premier de l'autre agencement. Bien, de l'autre côté, le dernier au sens de limite et non plus seuil, non plus seuil de nouvel agencement mais limite de l'agencement précédent, le dernier au sens de limite, c'est l'objet marginal. C'est l'avant-dernier. Le français a un mot qui vient du latin et qui distingue bien l'avant-dernier ou le dernier au sens d'avant-dernier ultime, c'est le mot pénultième. Pénultième, c'est littéralement le presque dernier, le dernier avant le dernier. L'objet marginal, c'est le pénultième ou la limite. Au-delà de l'objet marginal, il y a quelque chose d'autre, le seuil encore une fois, au-delà de l'objet limite, il y a le seuil à partir duquel commence un autre agencement. D'où, je peux répondre à la question, dans une telle formation, qu'est-ce qui est anticipé, qu'est-ce qui est conjuré ? Qu'est-ce que c'est ces mécanismes d'anticipation-conjuration qui avaient tellement d'importance la dernière fois ? La réponse maintenant, elle devient, il me semble, limpide, de l'eau, une évidence, dans l'évaluation collective, ce qui est anticipé, c'est fondamentalement la limite, ce qui est conjuré, c'est fondamentalement le seuil. Et l'évaluation collective réuni indissolublement l'anticipation et la conjuration, il ne peut pas anticiper la limite sans conjurer le seuil, ni conjurer le seuil sans anticiper la limite. D'où, comment fonctionne, j'ai plus qu'à appliquer ça et j'ai fini mon problème (d'ordre ? 1:21:09).

 

Supposons un mode abstrait, vraiment j'insiste sur abstrait, d'échange primitif. Voilà ce qui se passe. Je prend deux groupes. Un groupe de cueilleurs qui cueillent des graines sauvages. Vous vous rappelez ? Je tiens mes conditions, je ne me donne pas un groupe d'agriculteurs. Je sais pas si vous sentez que l'agriculture est incapable d'entrer dans ces schémas de séries. Si vous le sentez, vous avez tout compris. Pourquoi l'agriculture est incapable d'entrer dans ces schémas de série, pourquoi elle renvois nécessairement à un appareil d’État ? Nous le verrons plus tard. Plus tard, mais vous devez déjà le sentir. Or, en tous cas, je ne me demande pas ça, je me dis, voilà mon petit groupe de cueilleurs, ils cueillent des graines sauvages. Les autres, c'est pas des métallurgistes, mais ils font des haches, ils fabriquent des haches. Vous avez le groupe A, je ne dirais plus que A, cueilleurs, et B, fabricants de haches. Les meilleurs haches étaient faites d'obsidienne dans la métallurgie par exemple. L'obsidienne, je crois que c'est fait de roches volcaniques avec laquelle on obtient des coupants très excellent. Bon, je dis l'échange primitif, aucun besoin de comparer les temps de travail, aucun besoin de se dire quel est le temps de travail pour cueillir, quel est le temps de travail pour fabriquer la hache d'obsidienne, et puis comparer les deux. Comment voulez-vous que ce soit possible, je prend un exemple qui convient parfaitement. Ces deux groupes, ils parlent même pas la même langue. Mais enfin, qu'est ce que vous voulez qu'ils comparent ? En plus, la cueillette, c'est une activité typique à variation continue. Par exemple, les femmes vont à la cueillette et puis elles chantent, et puis elles bavardent et puis elles reprennent la cueillette. C'est ça qu'on appelle une activité à variation continue. Il n'y a pas de mesure du temps de travail. Pour le fabricant de hache, il va pas comparer. C'est même une idée qui le fait rire, comparer le temps mis à cueillir des graines sauvages et le temps mis à fabriquer une hache... Sentez... Alors, comment ils vont faire l'échange ? En revanche, ils ont une évaluation collective. Nous supposons qu'elle peut pas porter sur le temps de travail qui présupposerait même un langage commun qu'ils n'ont pas. On suppose que c'est même deux tributs assez lointaines, pas de même formation culturelle, pas de même langage. Bon, ils s'échangent des graines contre des haches. Je dis, comment peut se faire l'échange ? Et ben, nous le savons maintenant. Nous le savons, nous le savons. La question de savoir si jamais quelqu'un s'est servi de cette méthode pour échanger quoique ce soit, c'est une autre question. Mais moi, je crois, oui, je crois qu'on fait tout le temps comme ça. Le groupe A, vous vous rappelez dans votre tête, le groupe A, ça va être celui qui donne des graines et qui reçoit des haches. Je dis, par parenthèse, que c'est trop évident d'après tout ce que j'ai dit, le marginalisme est un primat de la loi de la demande ( ? puis inaudible 1:24:55). Et ben, le groupe A qui reçoit des haches peut se faire, je dis peut, (inaudible) peut se faire une idée de la dernière quantité de haches qui le forcerait à changer son agencement et cette idée, elle peut l'avoir dès le début. Évaluation collective de la dernière quantité de haches qui la forcerait à modifier la structure de son agencement de cueillette. Qu'est-ce que ça veut dire ça ? Alors, je continue, je continue dans l'abstrait. Le groupe B peut se faire une évaluation collective de la dernière quantité de graines qui le forcerait à modifier son propre agencement. Si vous m'accordez ça, vous m'accordez tout. Je dirais à ce moment là que la valeur des objets échangés est strictement déterminée par les deux objets limites pour chaque groupe respectivement, la hache marginale pour le groupe qui donne des graines sauvages, la graine marginale pour le groupe qui donne des haches. Et si la dernière hache... Et alors la loi de l'échange sera... C'est très simple ça, c'est les mots qui manquent, la loi de l'échange ce sera, la dernière hache c'est à dire qui force le groupe je sais plus quoi à changer d'agencement forcerait le groupe au-delà de laquelle la dernière hache ferait changer d'agencement égal la quantité de graines qui forcerait, au-delà de laquelle, l'autre groupe serait forcé de changer son propre agencement. Vous voyez ? C'est formidable. On peut pas se tromper avec ce système là. Pourquoi ? Parce que, qu'est-ce qu'il y a de bien ? Il n'y a jamais de comparaison de faite, c'est un échange indirect. Chaque groupe évalue respectivement pour son compte la valeur de son objet marginal et c'est cette évaluation respective par chaque groupe de la valeur pour chacun de l'objet marginal relatif à chacun qui va déterminer l'échange. En d'autres termes, le rapport objectif dans l'échange naît des deux séries subjectives, le rapport direct naît de la relation indirecte ou si vous préférez, l'égalisation dans l'échange naît de deux processus inégaux, non symétriques. Mais j'ajoute juste que vous me laissez un peu confus, comment, qu'est-ce que ça veut dire : qui serait forcé de changer d'agencement ? Reprenons le groupe, j'en termine avec ça, reprenons le groupe de ceux qui reçoivent des haches. Au-delà de la hache marginale, ou bien ils n'ont rien à en faire, ils gardent le même agencement mais ils ont rien à faire de la dernière hache, ils ont pas à s'en servir, donc l'échange perd tout intérêt. Il ne se fait plus. C'est le temps de la pause avant que recommence une autre série, les haches s'étant usées. C'est exactement le temps de la pause. Ou bien ils sont forcés de changer d'agencement, ça voudrait dire quoi ? Abandonner l'itinérance, faire avec la hache seuil, plus la hache limite qui elle fait partie de l'agencement cueillette, faire avec la hache ultime, avec la hache seuil, quoi ? Du débroussaillage ou pire de l'abattement de souches ou bien agriculteur. Ils pourraient plus suivre le flux de cueillette, ils passeraient dans un tout autre type d'agencement qui au moins impliquerait déjà des éléments agricoles. Donc ils conjurent le seuil agricole en anticipant la limite cueillette. Même raisonnement pour les haches, à savoir que au-delà des graines de subsistance nécessaires à leur subsistance les fabricants de haches devraient changer leur vie. Tout va bien, c'est toujours le développement pour soi de chaque série respective qui va fixer la valeur de l'échange, la valeur de l'objet échangé à partir de ce qui fonctionne de l'objet marginal dans une série et de ce qui fonctionne comme objet marginal dans l'autre série. A preuve de quoi, c'est juste le dernier effort que je vous demande, nous en donne confirmation s'entendant autant des sauvages que des formes les plus modernes, nous en donne une singulière confirmation concernant le temps, la marge, la limite et le seuil, l'exercice de la comptabilité. (Parole donnée à l'étudiant inaudible).

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